Le Dr Makokis appartient à la Nation crie de Saddle Lake, qui occupe le territoire couvert par le Traité No 6. Il pratique à même une clinique de médecine familiale dans le nord-est de l’Alberta ainsi qu’une clinique spécialisée en santé des personnes transgenres dans le sud d’Edmonton, où il se démarque en tant que véritable leader de la santé autochtone et trans.
Les pratiques mĂ©dicales du Dr Makokis sont ancrĂ©es dans les lois naturelles cries de la gentillesse, de l’honnĂŞtetĂ©, de la force, de la dĂ©termination et du partage. Ce sont ces principes qui le guident pour aider ses patientes et patients Ă atteindre miyo-pimatisiwin. En plus de servir sa communautĂ© avec compassion, le D°ů Makokis cherche Ă©galement Ă convaincre les acteurs de la mĂ©decine occidentale de s’ouvrir Ă la valeur des pratiques mĂ©dicales autochtones et Ă l’intĂ©rĂŞt de les intĂ©grer aux soins prodiguĂ©s.
« En fait, la médecine occidentale est un système de soins parallèle qui a été imposé sur l’Île de la Tortue, souligne-t-il. Sur ce territoire, la médecine originale est celle des Autochtones, celle qui a aidé nos peuples à survivre et à se maintenir en excellente santé pendant des milliers d’années. »
Le D°ů Makokis explique que, contrairement Ă la mĂ©decine occidentale qui s’intĂ©resse presque exclusivement Ă la santĂ© physique, le système mĂ©dical cri englobe Ă©galement la santĂ© Ă©motionnelle, mentale et spirituelle, laquelle est enrichie par des cĂ©rĂ©monies traditionnelles et les rapports avec la communautĂ©.

« Notre santé est aussi reliée à l’ensemble de la création : à la santé de notre planète, de nos frères et sœurs à plumes et à poils, des plantes, soutient-il. Dans nos enseignements entourant la création, nous avons coutume de dire que l’être humain est créé à partir de l’essence des plantes médicinales, et c’est pourquoi nous utilisons celles-ci pour maintenir notre santé et notre bien-être. »
En médecine autochtone, on privilégie également un grand angle quand on cherche à déterminer les facteurs sous-jacents qui contribuent à l’apparition d’un mal physique. Prenons l’exemple des maladies chroniques, comme le diabète. Là où la médecine occidentale attribuera la maladie à une mauvaise alimentation ou au manque d’exercice, la médecine autochtone prendra en considération les effets sur la santé des traumatismes intergénérationnels ou de la perte des pratiques de chasse traditionnelles.
Intégrer la médecine crie dans le système de médecine occidentale
Le Dr Makokis se fait un devoir d’intégrer la médecine et les savoirs du peuple cri dans les soins qu’il prodigue à sa patientèle, et ce, depuis la fin de ses études de médecine à l’Université d’Ottawa en 2010.
« Quand j’ai obtenu mon diplôme, un de mes grands-pères m’a dit : “Maintenant que tu as appris la médecine occidentale, tu dois te familiariser avec nos propres remèdes”, se remémore-t-il. Je me rends maintenant dans différentes communautés pour m’instruire auprès des Aînées et Aînés. L’été, je campe sur leur pelouse et je vais cueillir des plantes médicinales avec eux. Je me suis formé à l’utilisation des plantes médicinales que nous utilisions pour la santé cardiaque, respiratoire ou reproductive, de toutes ces choses qui nous ont été données exclusivement sur l’Île de la Tortue. »

Lorsqu’une personne vient le consulter, le D°ů Makokis emploie les outils diagnostiques et les bonnes pratiques de la mĂ©decine occidentale pour Ă©valuer son Ă©tat, puis lui propose aussi bien des traitements occidentaux que des traitements cris adaptĂ©s au diagnostic.
Pour ce qui est des traitements médicaux cris, il peut recommander une certaine cérémonie et y assister pour manifester son soutien. Il peut aussi proposer à la personne de l’accompagner pour lui montrer quelle plante médicinale cueillir, et lui procurer ainsi les connaissances et l’autonomie nécessaires pour se guérir elle-même.
Le D°ů Makokis dĂ©crit sa pratique comme « un petit sanctuaire oĂą l’on peut faire les choses diffĂ©remment ». Il forme Ă©galement des mĂ©decins de manière indĂ©pendante afin d’amĂ©liorer les soins d’affirmation de genre, par exemple. Il souligne toutefois la nĂ©cessitĂ© d’une intervention systĂ©mique appuyĂ©e par des ressources adĂ©quates afin d’amplifier l’impact qu’il peut produire Ă lui seul.
Promouvoir la notion d’alliance et la compréhension
Le Dr Makokis consacre une bonne partie de son temps à défendre auprès des médecins et des hôpitaux le droit des Autochtones à utiliser leurs propres médecines sur leurs propres territoires. C’est d’ailleurs ainsi que l’on cultivera de véritables alliances.
Il estime que les membres de la profession médicale qui désirent sincèrement promouvoir la réconciliation devraient soutenir et défendre l’utilisation des médecines autochtones dans le traitement des malades. Les hôpitaux, quant à eux, devraient disposer d’un espace cérémoniel suffisamment grand pour que toute la famille puisse assister aux rituels de purification, d’une tente de sudation et d’un espace pour ériger un tipi. Ils devraient en outre proposer des aliments traditionnels, comme de la viande d’orignal, à leur patientèle.
Les écoles de médecine ont également un rôle important à jouer dans la réconciliation. De la même manière qu’on forme la relève aux dernières innovations de la médecine occidentale, il faudrait également lui enseigner les médecines autochtones et l’encourager à élargir sa vision des choses pour appréhender la santé et le bien-être de manière plus globale, estime-t-il. Ces médecins acquerraient alors des compétences aussi bien dans le système de médecine occidentale que dans celui de la médecine autochtone.
Parmi les efforts de décolonisation mis en œuvre, on pourrait également inviter (contre rémunération) de grandes figures de la médecine autochtone, des Aînées et Aînés ainsi que des gardiennes et gardiens des savoirs autochtones à venir s’adresser à la relève en médecine, et amorcer des conversations importantes sur le racisme et la suprématie blanche qui s’immiscent toujours profondément dans la formation en médecine et les établissements de santé.

En dĂ©finitive, le D°ů Makokis considère que pour amĂ©liorer la santĂ© des peuples autochtones, il faut revitaliser les pratiques mĂ©dicales traditionnelles que ceux-ci n’ont pas pu appliquer ou transmettre en raison de la violence coloniale : « Je crois que ce n’est qu’en reconstruisant la nation autochtone, avec ses systèmes de mĂ©decine et d’éducation, que nous commencerons Ă observer une transformation durable dans les statistiques sur la santĂ© autochtone. »
MotivĂ© par la force, la guĂ©rison et la rĂ©sistance de ceux et celles qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©, le D°ů Makokis continue de dĂ©fendre le droit d’accès aux mĂ©decines et aux soins autochtones pour cette gĂ©nĂ©ration et celles Ă venir.