91ľ«Ć·şÚÁĎłÔąĎ

Transcription Balado uOCourant

Saison 5, Épisode 3

Gwen Madiba : Aujourd’hui, on reçoit Phil De Luna, un scientifique et investisseur en recherche diplĂ´mĂ© de l’UniversitĂ© d’Ottawa qui veut dĂ©velopper des technologies pour contrer les changements climatiques. Il travaille en ce moment comme expert en dĂ©veloppement durable chez McKinsey & Company; auparavant, il Ă©tait directeur de programme au Conseil national de recherches du Canada â€“ le plus jeune de tous les temps. C’est Ă©galement un entrepreneur et un innovateur. Il a recueilli 20 millions de dollars en tant que finaliste du prix Carbon XPRIZE et est aussi professeur auxiliaire Ă  l’UniversitĂ© de Toronto, oĂą ses recherches sur les technologies du climat lui ont valu d’être dans les 0,01 % des chercheurs les plus citĂ©s dans le monde.

En 2021, il s’est prĂ©sentĂ© comme candidat pour le Parti vert du Canada aux Ă©lections fĂ©dĂ©rales, se classant dans les cinq percentiles supĂ©rieurs de tous les candidats du parti au pays. Phil a obtenu une maĂ®trise en sciences et en chimie de l’UniversitĂ© d’Ottawa, avant de rĂ©aliser son doctorat en sciences et gĂ©nie des matĂ©riaux Ă  l’UniversitĂ© de Toronto. Bonjour Phil, merci de vous joindre Ă  nous depuis Toronto.

Phil De Luna : Merci beaucoup de me recevoir. C’est un plaisir d’être avec vous.

Gwen : On vient de prĂ©senter votre parcours, qui est tout Ă  fait Ă©patant. Il y a plusieurs raisons de vous applaudir, mais j’aimerais commencer de façon plus personnelle en vous fĂ©licitant pour vos fiançailles avec une diplĂ´mĂ©e de l’UniversitĂ© d’Ottawa.

Phil : Ah oui, merci beaucoup. Ma fiancĂ©e, Danielle, Ă©tait au baccalaurĂ©at en sciences infirmières Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa pendant que je faisais ma maĂ®trise. Nos fiançailles auront durĂ© trois ans quand nous allons nous marier, Ă©tant donnĂ© la pandĂ©mie. Je l’ai demandĂ©e en mariage Ă  l’automne 2020, et lorsque nous Ă©tions rendus Ă  trouver une salle, il y avait beaucoup d’attente, et nous voulions fĂŞter en grand. Alors de longues fiançailles, mais ça aura valu la peine d’attendre.

Gwen : C’est super. FĂ©licitations encore. En fait, vous ĂŞtes notre deuxième invitĂ© cette saison Ă  avoir rencontrĂ© sa douce moitiĂ© Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa. Pour notre lancement en octobre, nous avons reçu Harley Finkelstein et Lindsay Taub, un couple de diplĂ´mĂ©s qui s’était rencontrĂ© dans un Ă©vĂ©nement de rencontres express Ă  l’UniversitĂ©.

Phil : Très chouette. C’est drĂ´le, parce que quand j’étais Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa, j’ai rencontrĂ© ma fiancĂ©e grâce Ă  un de mes meilleurs amis. Il y avait rencontrĂ© sa conjointe, et elles Ă©taient meilleures amies. Notre tĂ©moin et notre dame d’honneur sont encore ensemble aussi, et ils sont aussi diplĂ´mĂ©s d’ici. Ils sont toujours Ă  Ottawa; nous, nous sommes Ă  Toronto maintenant. L’UniversitĂ© d’Ottawa a un petit quelque chose de romantique, on dirait! [rires]

Gwen : Il y a absolument quelque chose dans l’air ici. [rires] Pour lancer notre conversation, j’aimerais commencer avec une question que nous posons Ă  tous nos invitĂ©s et invitĂ©es cette saison. Qu’est-ce que la curiositĂ© pour vous?

Phil : C’est très intĂ©ressant comme question. La curiositĂ©, pour moi, ça fait partie intĂ©grante de qui je suis; comme scientifique, c’est une portion essentielle de mon identitĂ©. Un scientifique se doit d’être curieux et de rĂ©flĂ©chir au fonctionnement de ce qui nous entoure, de faire des expĂ©riences et des tests, et de comprendre les consĂ©quences de nos gestes. J’ai toujours Ă©tĂ© curieux, mĂŞme petit, et c’est drĂ´le, je pense que les enfants sont nĂ©s avec un esprit scientifique. Quand ils posent des questions comme « Pourquoi le ciel est bleu? Pourquoi les abeilles volent comme ça? Â», ils alimentent leur curiositĂ©. C’est exactement ce que font les scientifiques dans leur travail. Je pense que la curiositĂ©, c’est une manière d’aborder le monde qui nous entoure.

C’est aussi un aspect essentiel de ma personnalité et je ne pense pas que je me serais rendu jusqu’ici si je n’étais pas curieux. Je suis aussi curieux aujourd’hui que je l’étais petit.

Gwen : Phil, depuis vos Ă©tudes ici, vous avez eu un parcours incroyable. Vous avez obtenu un doctorat, bâti puis dirigĂ© un programme de 57 millions de dollars en recherche et dĂ©veloppement de technologies canadiennes innovantes pour le climat, vous avez rĂ©ussi comme entrepreneur, et maintenant, dans votre poste comme expert en dĂ©veloppement durable chez McKinsey & Company; pas Ă©tonnant que vous ayez Ă©tĂ© nommĂ© parmi les 30 personnes de moins de 30 ans Ă  surveiller par Forbes et les 50 acteurs du changement du Globe and Mail, entre autres. Je serais curieuse de savoir comment toutes ces diffĂ©rentes expĂ©riences ont contribuĂ© Ă  façonner qui vous ĂŞtes.

Phil : Quand j’étais plus jeune, je voyais ma vie comme un enchaĂ®nement de chapitres. Je travaillerais 10 ans dans le milieu universitaire, 10 ans au gouvernement, 10 ans en philanthropie, 10 ans en affaires, puis je prendrais ma retraite bien tranquille quelque part. Mais en arrivant sur le marchĂ© du travail, j’ai mieux compris le monde professionnel d’aujourd’hui : on n’a pas Ă  segmenter. On ne devrait pas le faire, et en fait, c’est impossible. On peut tout faire Ă  la fois, en mĂŞme temps, en passant par plusieurs chemins.

J’ai pris grand soin de me bâtir une carrière où je peux changer les choses au point de convergence de trois piliers. Ce qui va le plus faire avancer la lutte contre les changements climatiques, selon moi, c’est la technologie, l’instauration de politiques et l’économie. Côté technologique, j’ai mon travail universitaire. Mes accomplissements comme scientifique, mes recherches, la jeune entreprise que j’ai fondée. Du côté économique, j’ai mon travail chez McKinsey, le mentorat que j’offre à des entreprises en démarrage via différents accélérateurs. Et pour les politiques, je pense à ce que j’ai fait au Conseil national de recherches du Canada.

Je pense aussi Ă  mon travail avec l’OCDE et la Commission canadienne pour l’UNESCO, et mĂŞme Ă  quand j’ai Ă©tĂ© candidat pour le Parti vert aux dernières Ă©lections. Ce qui m’interpelle tant dans l’idĂ©e de contribuer Ă  tous ces piliers dans diffĂ©rents secteurs en mĂŞme temps, de les relier, c’est que c’est lĂ  oĂą l’on peut le plus changer les choses, selon moi : on peut se servir des apprentissages faits dans un secteur, puis les transposer et les faire connaĂ®tre dans un autre.

Aujourd’hui, on travaille souvent en parallèle. On ne parle pas la même langue. Mais quand on arrive au point où on sait communiquer avec différents publics pour les rassembler, on peut avoir un rôle décisif, et selon moi c’est ce qui est nécessaire pour contrer les changements climatiques. On ne pourra pas s’y attaquer en fonctionnant en vases clos, et plus on a de personnes de différents milieux qui peuvent apporter leur point de vue et leur expérience, et collaborer, plus on se donne la chance de régler le problème.

Gwen : Et au fil de ces expĂ©riences, de toutes les compĂ©tences et les connaissances que vous avez tirĂ© de votre maĂ®trise en sciences Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa, de quoi vous ĂŞtes-vous le plus servi?

Phil : Trois choses, selon moi. Premièrement, ma maĂ®trise m’a vraiment montrĂ© Ă  faire des recherches scientifiques de qualitĂ©, comme un professionnel. C’était l’une des premières fois oĂą j’étais responsable de A Ă  Z d’un rapport de recherche, de la rĂ©daction, des expĂ©riences Ă  rĂ©aliser, oĂą je passais au travers du processus d’évaluation et oĂą je devais faire mes preuves dans le milieu scientifique. Deuxièmement, j’ai appris l’importance du mentorat, de la relation Ă  entretenir avec son superviseur, son patron ou son mentor â€“ les gens qui vont ĂŞtre lĂ  pour nous, et ce qui peut arriver si ce n’est pas le cas. C’est souvent la personnalitĂ© et le style de travail qui dĂ©terminent la force des liens, et pas tant le talent ou les compĂ©tences.

Enfin, j’ai appris qu’il est essentiel d’avoir un bon réseau et des personnes qui vont nous soutenir tout au long de notre carrière et de notre parcours professionnel. C’est l’endroit où j’ai rencontré ma fiancée, et je ne serais pas où je suis aujourd’hui sans son soutien et son affection. J’y ai rencontré certains de mes amis les plus proches, qui sont toujours dans ma vie aujourd’hui. J’ai compris que l’équilibre travail-vie personnelle ne passe pas nécessairement par le temps consacré à chaque sphère, mais par le degré d’effort qu’on y fournit, et je pense que chaque sphère nourrit l’autre.

Donc si j’avais à le résumer, je dirais que mon passage à l’Université d’Ottawa m’a montré comment être un scientifique et l’importance du mentorat, et m’a permis d’apprendre à garder un bon équilibre travail-vie personnelle et à valoriser mon réseau.

Gwen : Oui, le mentorat est en effet très important et j’ai moi aussi eu la chance d’être accompagnĂ©e par d’excellentes personnes quand j’étais aux Ă©tudes ici. Merci de nous avoir parlĂ© de tout ça, Phil. Votre travail en dĂ©veloppement durable, en technologie et en changements climatiques va influencer l’avenir de la population canadienne et de la planète. Le dĂ©veloppement durable est l’un des quatre piliers essentiels de notre plan stratĂ©gique, Transformation 2030, selon le principe qu’il est vital de construire notre avenir technologique et d’instaurer des pratiques durables. Quel sens tirez-vous de votre travail dans le domaine, et avez-vous des conseils pour les membres de l’auditoire qui voudraient contribuer Ă  leur manière, que ce soit dans leur vie professionnelle ou personnelle?

Phil : Je vais aborder la question en commençant par faire un portrait de l’ampleur du problème. Pour beaucoup, les Ă©nergies ou les technologies propres, ça Ă©voque des panneaux solaires et des Ă©oliennes, des Ă©nergies renouvelables, c’est logique. La production d’électricitĂ© ne reprĂ©sente qu’environ le tiers de nos Ă©missions Ă  l’échelle de la planète. Le reste vient de ce qui assure notre qualitĂ© de vie, la transformation industrielle, le transport, l’alimentation, l’agriculture, le cadre bâti... tout ce dont on a besoin, tous les matĂ©riaux qui servent Ă  construire nos logements, Ă  alimenter nos appareils Ă©lectriques, Ă  produire nos appareils Ă©lectroniques, comme l’écran par lequel je vous parle.

Autrefois, ces matĂ©riaux Ă©taient enfouis, et il nous fallait dĂ©penser de l’énergie pour les extraire, les raffiner et produire quelque chose. L’énergie dĂ©pensĂ©e gĂ©nère des Ă©missions de CO2. L’ampleur du problème des changements climatiques, c’est que l’électrification de tout ne suffit pas, mĂŞme si c’est un bon dĂ©but. Au fond, il nous faut transformer notre manière d’aborder la fabrication, le travail, les dĂ©placements et nos systèmes Ă©conomiques. Dans les 10 prochaines annĂ©es, nous devrons rĂ©affecter le capital Ă  une Ă©chelle sans prĂ©cĂ©dent. Selon bien des experts, nous avons jusqu’à 2030 pour rĂ©duire massivement les Ă©missions si nous voulons atteindre la carboneutralitĂ©, que nous visons pour 2050.

Nous avons beaucoup de technologies qui peuvent nous aider à y arriver, mais environ la moitié ne sont pas encore commercialisées. Elles existent seulement dans un laboratoire, sur papier, en prototype ou en démonstration. La moitié; je dis bien la moitié. Ça représente plein de belles occasions pour les gens qui travaillent dans le domaine, pour les développer, mais il faut aussi injecter beaucoup d’argent pour atteindre notre but. On ne conçoit pas les technologies du climat comme celles des milieux informatiques ou financiers, par exemple, ou que les technologies traditionnelles. Ça se passe différemment.

Pour inventer le prochain Facebook, Shopify ou Stripe, on a seulement besoin d’un ordinateur portable, d’une personne très intelligente, de temps et d’argent; ensuite ça peut croître de façon exponentielle parce qu’il y a peu de ressources physiques à construire. Pour inventer une nouvelle façon de faire de l’acier, ou un nouveau véhicule électrique, ou une nouvelle manière de produire de l’engrais qui ne génère pas d’émissions de CO2, ça prend des poches profondes. C’est cher de bâtir, c’est cher de travailler l’acier. On ne peut pas aussi facilement transposer ces travaux à grande échelle; c’est pour ça que c’est long. Le conseil que j’adresserais aux gens qui veulent s’impliquer dans le domaine, c’est d’abord d’essayer de saisir l’ampleur de notre problème.

Ensuite, mettez-vous au travail pour comprendre l’un des morceaux du casse-tête de fond en comble et allez chercher les compétences nécessaires pour créer ou développer une technologie, ou pour mettre en place les politiques qui lui donneront naissance. Ciblez votre créneau et réglez un problème spécifique. Et finalement, faites preuve de patience, parce que c’est long avant de mettre une technologie sur le marché, d’avoir un impact. Je suis quelqu’un d’impatient. Si vous regardez mon parcours professionnel, vous remarquerez que j’ai changé de voie chaque deux ans, parce que j’essaie constamment de comprendre et d’essayer de nouvelles approches. Changer les choses, ça prend un certain temps. Malheureusement, on n’en a pas beaucoup. On doit trouver le moyen de passer à la vitesse supérieure.

Gwen : En cette Ă©poque d’écoanxiĂ©tĂ© oĂą toute nouvelle sur les changements climatiques semble catastrophique, comment arrivez-vous Ă  garder un bon Ă©tat d’esprit, sachant ce que vous savez sur les dĂ©fis qui nous attendent?

Phil : Excellente question. Je suis un optimiste et un technologue. Je suis absolument convaincu qu’en tant que sociĂ©tĂ©, en tant qu’espèce humaine, nous arriverons Ă  rĂ©gler ce problème avant qu’il ne soit trop tard. Pourquoi suis-je aussi confiant? Pour plusieurs raisons, mais surtout car les changements climatiques sont essentiellement un problème d’équilibre Ă©nergĂ©tique.  On extrait des combustibles fossiles du sol et les brĂ»le pour en soutirer de l’énergie, libĂ©rant ainsi du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. On parle de molĂ©cules et d’électrons, et on sait comment manipuler les molĂ©cules et les Ă©lectrons. Nous sommes Ă  la hauteur du dĂ©fi; ça, j’en suis sĂ»r.

Ce qui m’inquiète, c’est notre manque d’empressement et le fait que nous n’activons pas les leviers politiques et Ă©conomiques nĂ©cessaires pour faire des changements climatiques une prioritĂ©. Mais je suis certain que nous finirons par trouver une solution Ă  cet enjeu, car nous avons rĂ©ussi Ă  le faire pour un autre problème d’envergure mondiale : la pandĂ©mie de COVID-19. Il s’agit de deux problèmes similaires Ă  plusieurs Ă©gards. Par exemple, ils utilisent tous deux des indicateurs retardĂ©s : le nombre de dĂ©cès pour la COVID-19 et l’augmentation des tempĂ©ratures pour les Ă©missions de carbone et les changements climatiques. La seule diffĂ©rence, c’est que l’un se mesure sur quelques semaines et l’autre, sur des annĂ©es, voire des dĂ©cennies.

En huit mois, nous avons créé puis déployé partout dans le monde un vaccin à ARNm contre la COVID-19, un type de vaccin qui n’avait jamais été fabriqué à cette échelle, issu d’une toute nouvelle plateforme technologique. Nous y sommes arrivés car le monde entier a reconnu qu’il y avait un problème. Nous avons donc pu collaborer pour le régler. Nous pouvons faire pareil avec les changements climatiques. Ma plus grosse inquiétude, je le répète, c’est notre lenteur d’action. Mais je reste optimiste, premièrement car le secteur privé se réveille.

Les entreprises se rendent compte que le développement durable est extrêmement important non seulement pour leur portefeuille, mais aussi pour leur existence même. On en voit de plus en plus qui embauchent des chefs de la durabilité, car elles comprennent que c’est devenu un élément essentiel, un peu comme la transformation numérique l’a été il n’y a pas si longtemps.

Deuxièmement, la cause des changements climatiques est défendue avec de plus en plus de vigueur, et ce sont surtout les jeunes qui l’ont à cœur et portent le flambeau. Au bout du compte, c’est ma génération, mais surtout celles qui la succèdent qui subiront le plus les conséquences du réchauffement planétaire. Oui, la jeunesse est anxieuse, mais en contrepartie, elle est aussi parfaitement consciente qu’il y a urgence d’agir, et ça me remplit d’espoir.

Alors, pourquoi je reste positif? D’abord parce que je reste déterminé à tenter de trouver des solutions au problème. Ensuite, car je me concentre sur les éléments scientifiques, politiques et économiques nécessaires pour y arriver. Enfin, parce que je tâche de ne pas oublier qu’il s’agit au final d’un problème scientifique que nous pouvons régler.

Gwen : Vous avez indiquĂ© que vous vous ĂŞtes prĂ©sentĂ© aux Ă©lections fĂ©dĂ©rales de 2021 pour le Parti vert du Canada. J’aimerais qu’on parle de cette expĂ©rience. Pendant votre campagne, vous avez rĂ©ussi Ă  mobiliser 120 bĂ©nĂ©voles, ce qui vous place dans les cinq percentiles supĂ©rieurs des candidats de votre parti. En regardant l’une de vos vidĂ©os, plusieurs choses m’ont frappĂ©e. Vous parliez de voter pour la science, du fait que vous Ă©tiez un jeune Canadien qui parlait aux gens de votre gĂ©nĂ©ration, et de votre parcours – nĂ© aux Philippines et arrivĂ© Ă  Windsor, en Ontario, Ă  l’âge de cinq ans.

Je crois que la communautĂ© de l’UniversitĂ© se reconnaĂ®t en vous : elle s’épanouit grâce Ă  sa diversitĂ©, au talent de ses chercheurs et Ă  la voix de la jeunesse dans ses milieux. Pouvez-vous nous parler de cette expĂ©rience et d’à quel point elle vous a marquĂ©?

Phil : Bien sĂ»r. C’était profondĂ©ment marquant. Très peu de gens ont la chance de voir ainsi un Ă©chantillon du Canada, de faire du porte-Ă -porte pour discuter avec ses voisins et avec des gens qu’ils n’auraient jamais rencontrĂ©s autrement, et de comprendre les problèmes auxquels ils font face et les inquiĂ©tudes qui les habitent. J’en ai Ă©tĂ© bouleversĂ© : ces rencontres m’ont montrĂ©, Ă  bien des Ă©gards, ce que ça signifie d’être humain. Chaque fois que je parle de ma course Ă  l’élection ou que j’encourage d’autres gens Ă  se porter candidats, je dis qu’il faut avant tout se poser deux questions : pourquoi se prĂ©senter et qu’est-ce que la rĂ©ussite en cas de dĂ©faite?

Je me suis portĂ© candidat pour trois raisons. Premièrement, je voulais insuffler davantage de science en politique. Deuxièmement, je voulais qu’il y ait plus de diversitĂ© au Parlement. Troisièmement, je voulais inspirer la jeunesse Ă  s’impliquer, car je constate une apathie non seulement chez les jeunes, mais dans la population en gĂ©nĂ©ral. Il nous faut plus de diversitĂ© chez nos dirigeants. Ça nous prend des personnes de milieux et aux expertises variĂ©s : des scientifiques, mais aussi du personnel infirmier, des Ă©lectriciens, des enseignants, des propriĂ©taires de restaurants, des chefs cuisiniers, bref, des gens de partout.

Sans cette diversitĂ© et cette expĂ©rience extĂ©rieure Ă  la politique, notre système sera de plus en plus polarisĂ©. Je trouve ça effrayant, et dangereux pour notre sociĂ©tĂ©. VoilĂ  pourquoi je me suis portĂ© candidat. Je savais que je me prĂ©sentais pour un parti qui avait très peu de chances de gagner, mais je l’ai fait quand mĂŞme. Ce qui me mène Ă  ma deuxième question : qu’est-ce que la rĂ©ussite en cas de dĂ©faite?

Bien des candidats se prĂ©sentent pour gagner, surtout s’ils le font sous la bannière d’un grand parti. Je voulais bien sĂ»r ĂŞtre Ă©lu, mais il y a une diffĂ©rence entre se porter candidat en acceptant qu’on puisse perdre et se prĂ©senter, ĂŞtre convaincu d’une victoire, puis perdre. Je me suis prĂ©sentĂ© en sachant que mĂŞme si je ne gagnais pas, j’aurais rĂ©ussi, car ma motivation Ă©tait toute autre : je voulais inspirer les jeunes Ă  faire de la politique. Afin d’être le plus ouvert et transparent possible, j’ai prĂ©sentĂ© les coulisses de ma campagne sous forme de vlogues, dans l’espoir que d’autres gens de ma gĂ©nĂ©ration se sentent interpellĂ©s.

Quand j’ai commencĂ©, j’ai fait comme tout le monde, c’est-Ă -dire lancer une recherche Google pour savoir ce qu’il faut faire pour se porter candidat au Canada. Mais Ă  part quelques documents d’Élections Canada expliquant les formulaires Ă  remplir, rien! Faites le mĂŞme exercice aux États-Unis : il y a des organismes, des ressources dans divers mĂ©dias, des formulaires, des rĂ©seaux de soutien... Ça n’existe pas au Canada. Pour moi, rĂ©ussir, c’est de savoir que cette campagne a servi d’outil d’apprentissage pour autrui, peu importe l’affiliation ou l’orientation politiques, car je suis fondamentalement convaincu que plus de gens doivent s’impliquer. C’est comme ça qu’on trouve de meilleures solutions.

Gwen : Merci beaucoup, Phil. La question de la rĂ©ussite en cas de dĂ©faite est très intĂ©ressante, car je doute que beaucoup de candidats se la posent tellement ils sont concentrĂ©s sur la victoire. Avant de clore l’entrevue, j’avais une dernière question. C’est une question plus dĂ©contractĂ©e qui va conclure tous nos entretiens cette saison. Pouvez-vous me parler de quelque chose qui Ă©veille votre curiositĂ© en ce moment? Ça peut ĂŞtre n’importe quoi, comme quelque chose que vous ne connaissez pas beaucoup, mais que vous voudriez dĂ©couvrir davantage.

Phil : Oh, quelle bonne question! C’est dur de rĂ©pondre, il y a tellement de choses qui piquent ma curiositĂ© et que je voudrais creuser. [rires] Un de mes dadas, en ce moment, c’est l’histoire. On peut apprendre beaucoup de notre histoire. Et il y a tellement de pĂ©riodes historiques. En les Ă©tudiant assez, on se rend compte qu’il y a des tendances rĂ©currentes. Je pense que, comme ĂŞtres humains, on a le rĂ©flexe de penser qu’on est uniques et que l’époque Ă  laquelle on vit l’est aussi. Mais en fait, on est constamment en train d’apprendre des mĂŞmes erreurs.

Si on prend le temps de revenir sur la grande expérience partagée de l’humanité, ou sur l’histoire de notre pays, comme peuple, on peut faire des apprentissages et anticiper ce qui va venir à partir du passé. L’histoire de notre pays et de notre nation, c’est quelque chose qui éveille ma curiosité et qui vient me chercher. En particulier la question de la réconciliation avec les Premières Nations. Je suis loin d’être un expert, j’ai encore des apprentissages à faire. C’est intéressant, de plusieurs points de vue. Comme immigrant, quand je grandissais, on ne m’a pas vraiment inculqué l’importance du sujet ni quel était mon rôle.

Être Canadien, ce que ça veut dire. Mon rôle dans la réconciliation et notre histoire commune, une fois qu’on devient citoyen du pays. Il faut l’assumer, il faut aller de l’avant dans la réconciliation et être prêt à améliorer les choses, à s’améliorer soi. Beaucoup d’immigrants cherchent leurs repères au Canada et ne comprennent pas ou ne reconnaissent pas vraiment son histoire, son passé sombre. C’est quelque chose que j’essaie d’apprendre, pour pouvoir en discuter et mieux comprendre, parce que c’est selon moi un aspect essentiel de l’identité canadienne. Je me suis personnellement donné la mission d’essayer de le comprendre.

Gwen : Merci, Phil. Pourriez-vous dire Ă  nos auditeurs et auditrices oĂą ils peuvent vous trouver en ligne?

Phil: Vous pouvez faire une recherche sur Google, il y aura plusieurs résultats. Vous pouvez me trouver sur LinkedIn et sur phildeluna.com. P-H-I-L-D-E-L-E-L-U-N-A.com. Écrivez-moi. N’hésitez pas. Je suis toujours prêt à discuter, sur n’importe quel sujet. J’adore faire ça; je ne serais pas arrivé où j’en suis aujourd’hui sans les conseils et l’encadrement que j’ai reçus de nombreuses personnes dans ma vie. Je suis conscient que je ne suis pas le seul responsable de mon succès. J’ai une profonde envie personnelle d’assister les nouvelles générations parce que, encore une fois, ce n’est qu’en s’entraidant qu’on peut s’améliorer, comme société.

Gwen : Merci Ă©normĂ©ment d’avoir accordĂ© cet entretien Ă  uOCourant. Ça a Ă©tĂ© un rĂ©el plaisir de passer du temps avec vous. Merci d’avoir partagĂ© votre parcours avec la grande famille de l’UniversitĂ© d’Ottawa.

Phil : Merci beaucoup de m’avoir reçu.