By: Val茅rie P. Costanzo
Le Barreau du Qu茅bec, comme tous les ordres professionnels, a pour principale mission la protection du public. Les codes de d茅ontologie ont pour objectif de pallier la relation asym茅trique entre professionnel路le et client路e, o霉 l鈥檈xpertise et le pouvoir de l鈥檜n路e contraste avec la vuln茅rabilit茅 de l鈥檃utre. Il existe une dimension 茅thique consid茅rable 脿 repr茅senter les int茅r锚ts de personnes vuln茅rables comme les enfants. Or, il n鈥檈xiste 脿 ce jour aucun cadre d茅ontologique particulier pour les avocat路es charg茅路es de les repr茅senter en justice, malgr茅 les recommandations r茅p茅t茅es depuis 1995 par divers acteurs du milieu. En avril 2021, la Commission sp茅ciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (la Commission Laurent) recommandait de cr茅er des r猫gles d茅ontologiques particuli猫res 脿 ces avocat路es. Nous invitons le Barreau 脿 reprendre ses travaux vers l鈥櫭﹍aboration de telles r猫gles particuli猫res 脿 la repr茅sentation d鈥檈nfants.
Au Qu茅bec, la repr茅sentation des enfants par avocat路e a lieu principalement en mati猫re de protection de la jeunesse et occasionnellement en mati猫re familiale. La place de l鈥檈nfant dans le litige et le r么le de son avocat路e varient consid茅rablement. Dans le cadre d鈥檜n litige familial (s茅paration, garde d鈥檈nfants et pension alimentaire), l鈥檈nfant n鈥檃 pas le statut de partie. En cons茅quence, sa repr茅sentation par avocat路e est occasionnelle, habituellement 脿 la demande de l鈥檜n ou de ses parents, et seulement si son 芒ge et son discernement le permettent (C.c.Q., art. 34). En revanche, dans un litige en protection de la jeunesse, l鈥檈nfant est partie aux proc茅dures (L.p.j., art. 81). Peu importe son 芒ge, un路e avocat路e lui sera presque syst茅matiquement assign茅路e d猫s le d茅but des proc茅dures, puisqu鈥檕n pr茅sume que ses droits peuvent s鈥檕pposer 脿 ceux des parents (Par茅 & B茅, 2020). En plus du mandat dit 芦 conventionnel 禄, pr茅vu pour les enfants qui ont la maturit茅 suffisante pour exprimer leurs besoins, leurs d茅sirs, et 茅mettre des directives 脿 leur avocat路e, il existe 茅galement le mandat dit l茅gal pour les enfants qui sont trop jeunes ou pas assez matures pour comprendre la situation et s鈥檈xprimer clairement. Le r么le de l鈥檃vocat路e est alors compl猫tement transform茅 : il ou elle doit d茅fendre l鈥檌nt茅r锚t en fonction de la preuve soumise 脿 l鈥檃ttention du tribunal (Bardaxoglou et al., 2020). Ce type de relation professionnelle est fondamentalement diff茅rent du lien qui unit habituellement un路e avocat路e et son client. Or, aucune r猫gle, ni aucune formation particuli猫re n鈥檈st n茅cessaire pour que les avocat路es accomplissent ce r么le in茅dit ; cette r茅alit茅 fait l鈥檕bjet de critiques de la communaut茅 scientifique, tant des milieux clinique que juridique (Bala & Birnbaum, 2018, p. 814).
L鈥檃bsence de r猫gles sp茅cifiques sur la repr茅sentation d鈥檈nfant par avocat路e cr茅e un vide qui entra卯ne 芦 des opinions divergentes et une jurisprudence instable 禄 (Par茅, 2014, p. 99). Une grande discr茅tion est laiss茅e aux avocates pour 茅valuer le discernement de l鈥檈nfant et sa capacit茅 de mandater, et, par cons茅quent, d茅terminer les services 脿 offrir 脿 l鈥檈nfant, les gestes professionnels 脿 poser. La Commission Laurent rapportes de nombreux commentaires au sujet de la repr茅sentation des enfants par avocat路e, parmi lesquels : les avocat路e n鈥檕nt pas de formation particuli猫re pour repr茅senter les enfants ; plusieurs ne rencontrent pas leurs jeunes client路es ; la voix de ceux et celles-ci est peu entendue (Commission Laurent, 2021, p. 63). Pour corriger la situation, elle recommande notamment de cr茅er un processus d鈥檃ccr茅ditation des avocat路es 脿 l鈥檈nfant, de m锚me que la cr茅ation de r猫gles d茅ontologiques particuli猫res 脿 ces avocat路es. Nous joignons notre voix 脿 celle de nombreux t茅moins ayant milit茅 en faveur de telles recommandations, auxquelles nous ajoutons l鈥檌nt茅r锚t de r茅viser les r猫gles de pratique des tribunaux qui entendent des enfants afin d鈥櫭﹍aborer des dispositions adapt茅es 脿 leurs besoins sp茅cifiques.
L鈥櫭﹍aboration de r猫gles d茅ontologies pour les avocat路es assure non seulement une meilleure repr茅sentation des enfants, mais aussi une protection des avocat路es, qui 艙uvrent sans guide de pratique et dont le r么le m茅connu peut mener 脿 une surrepr茅sentation de demandes d鈥檈nqu锚te au Syndic du Barreau (Noreau & Costanzo 2021). Si l鈥檈xercice des droits des enfants est limit茅 par leur incapacit茅 juridique, il convient d鈥檈ncadrer la pratique des professionnel路les qui sont appel茅路es 脿 mettre en 艙uvre et d茅fendre ces droits. Il est temps que le Barreau prenne les enfants au s茅rieux.
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Bala, N., & Birnbaum, R. (2018). Rethinking the Role of Lawyers for Children鈥: Child Representation in Canadian Family Relationship Cases. Les Cahiers de Droit, 59(4), 787.
Bardaxoglou, S., Fau, V., Campbell, A., & Van Praagh, S. (2020). Au c艙ur de l鈥檃cc猫s 脿 la justice des jeunes en protection de la jeunesse鈥: Des acteurs discutent. Service social, 66(1), 81.
Barreau du Qu茅bec, Comit茅 sur la repr茅sentation des enfants par avocat, La repr茅sentation des enfants par avocat dix ans plus tard, 2006.
Commission sp茅ciale sur les droits de l鈥檈nfant et la protection de la jeunesse. (2021). Instaurer une soci茅t茅 bienveillante pour nos enfants et nos jeunes, rapport. Gouvernement du Qu茅bec.
Noreau, P. et Costanzo, V. P., avec la collab. de LAFOND, P.-C. et M. VALOIS, Aux portesl de la d茅ontologie : rapport de recherche sur les dossiers d鈥檈nqu锚te du Bureau du syndic du Barreau du Qu茅bec, ADAJ, chantier 20, Montr茅al, 2021Par茅, M. (2014). L鈥檃cc猫s des enfants 脿 la justice et leur droit de participation devant les tribunaux鈥: Quelques r茅flexions. Revue g茅n茅rale de droit, 44(1), 81.
Par茅, M., & B茅, D. (2020). La participation des enfants aux proc茅dures de protection de la jeunesse 脿 travers le prisme de la vuln茅rabilit茅. Les Cahiers de droit, 61(1), 223.